Réceptacle à souffrance

HISTOIRE Aiden est tolväari de naissance. Ses parents, des fermiers aux manières rustres, mais pas bien méchants, élevaient du bétail dans les rares coins non dévastés par les flux maléfiques des dieux. Elevé au milieu des chèvres, il a rapidement appris à se débrouiller et à ne pas écouter son père, qui passait plus de temps à boire et tirer au flan qu'à s'occuper réellement de son troupeau. On déléguait toujours tout au jeune Aiden. Il grandit ainsi sans histoire dans un environnement précaire, accompagné de sa petite soeur Fadia, jusqu'à ce fameux jour d'automne, à l'aube de ses 17 ans, qui marqua à jamais la vie du garçon. Le souvenir de cette horrible journée restera à jamais marquée dans l'esprit du jeune homme au fer rouge.

Sortis de nulle part, d'horribles monstres attaquèrent le village proche de la ferme des parents d'Aiden. Des créatures au physique aberrant et non naturel; les Maux de Nékèpech. Durant l'assaut, de nombreux villageois périrent, mais plus encore furent capturés par les Engeances de la Souffrance. La mère du jeune homme fut dévorée par l'une de ces diaboliques créatures, tandis que lui, sa soeur et son père étaient emmenés avec d'autres dans un lieu maudit et craint de tous; le Palais de l'Agonie.

La marche fut longue et éprouvante, mais plus de souffrances les attendaient à l'intérieur des murs de marbre, et même de chair, du sombre repaire du Prince des Larmes. Enchaînés, traînés dans des geôles, battus par des créatures sans âme et sans coeur, les nouveaux arrivants furent initiés à la dure réalité de ce lieu; personne n'en sortirait jamais. Ils avaient pu voir le Mur des Elus, sur lequel figurait les noms des personnes ayant réussi à s'échapper au cours des deux millénaires d'existence du Palais. Seuls deux noms y figuraient, datant de temps immémoriaux; de quoi décourager même le plus hardi des hommes.

Au début de son calvaire, Aiden se faisait discret. Mais même cela ne servait à rien. Car les bourreaux n'épargnaient personne. Son père ne tint pas longtemps, quelques mois tout au plus. Il fut le malheureux élu pour tester le nouvel instrument de Nékèpech, le Taureau d'Airain. Il n'eut plus de nouvelles de sa soeur après qu'elle fut effroyablement emmenée dans le Salon des Mères, un endroit à la réputation sordide. Mais pour le jeune homme, ce fut différent. Sa résistance à la douleur était exceptionnelle pour un mortel, même s'il ne le montrait pas à ses bourreaux. Il avait appris que s'il criait assez fort, on le molestait moins, pour faire durer le plaisir plus tard. Battu avec des chaînes, lancé sur des clous, lacéré par les fouets... Les sombres fanatiques du dieu de la Souffrance ne l'avaient pas épargné. De nombreuses plaies et cicatrices parcouraient le corps frêle et scarifié d'Aiden. Mais pire encore que ces supplices, son séjour dans la Demeure des Insectes fut le point de non-retour pour l'innocence du jeune fermier.

Depuis son expérience avec les Araignées géantes du Palais et les fourmis aux acides infligeant des douleurs inimaginables, Aiden se ferma complètement. Les années passèrent, et tous ses compagnons de jadis y étaient passé; mais la Mort, elle, ne voulait pas de lui. Mais lui voulait la mort. Il voulait que cela s'arrête. Chaque jour, pourtant, il adressa une prière aux dieux d'Ydrasil, espérant y trouver un quelconque réconfort alors que tout semblait jouer contre lui. Jusqu'au jour où ses souhaits furent peut être entendus. A moins que ce ne soit un coup du destin. Mais quoi qu'il en soit, ce jour, Aiden eut son nom marqué sur le Mur des Elus.

Alors qu'une séance de torture habituelle battait encore son plein, consistant à passer le torse du supplicié au tisonnier ardent, une violente explosion retentit à l'intérieur même du Palais. Le mur à sa gauche, soufflé par l'explosion, projeta un bloc de pierre directement sur la tête de son bourreau, lui brisant le crâne en de multiples endroits. Les deux hommes qui le tenaient fermement, pris de panique, décidèrent d'aller voir quel était ce gigantesque trou béant dans le mur. Aiden, incrédule, était libre. Il n'avait pas de chaîne, pas de garde, et il y avait un immense trou dans un mur dans lequel deux hommes venaient de s'engouffrer.

Presque hésitant, le jeune homme blessé et hagard tituba à travers les couloirs, entendant des bruits de combat dans les salles voisines. Mais quel se passait-il donc? Aiden ne le savait pas. Tout ce qu'il voulait savoir, c'était où se trouvaient les portes de sortie. Il vit que celles-ci avait été défoncées, et des cadavres des pervers fanatiques de Nékèpech jonchaient le sol de l'entrée. Ne cherchant pas plus loin des réponses qu'il ne trouverait jamais, Aiden sortit du Palais et, aveuglé par la lumière du soleil mais enhardi par le goût de la liberté, courut en haillons les yeux fermés à travers les Landes, ne s'arrêtant pas avant de les avoir quittées.

Le jeune affranchi pleura beaucoup. Et extrêmement longtemps. Sur la route qui menait aux frontières de ce Tolväar qu'il haïssait à présent, il évita tout contact avec les êtres vivants. Lui-même n'était pas sûr d'être vivant. Il voyait des choses, faisait des cauchemars la nuit. Il avait peur de tout à présent, et chaque murmure qu'il entendait dans son dos sans que personne n'y soit torturait l'esprit d'Aiden. Il était sorti du Palais, oui. Mais même en dehors, l'influence néfaste de Nékèpech lui pourrissait l'existence. Amer, apeuré et blessé, il erra jusqu'aux frontières du Silraen, où il avait entendu parler d'une terre de cocagne loin des horreurs de son pays natal.

A peine arrivé dans les majestueuses forêts de Meruwan, Aiden trouva une vieille cabane de bûcheron abandonnée. Décidant de s'y installer, il reprit doucement ses forces, pansant ses plaies et posant son esprit. Il lui fallut du temps pour que son corps s'adapte, mais il finit par trouver la force d'exercer le métier de l'ancien propriétaire des lieux; bûcheron. Il avait cependant toujours aussi peur des bois. Dans son ombre, il s'attendait toujours à voir ses démons passés revenir. Aussi décida-t-il qu'il lui faudrait rapidement trouver un moyen de se sentir en sécurité.

Ce moyen, c'était un magnifique aigle qui l'observait lorsqu'il travaillait. Cela faisait deux semaines qu'il se posait sur une branche et le regardait alors qu'il débitait des bûches. Afin de survivre dans la forêt, Aiden avait appris à se servir de l'arc qu'il avait trouvé dans la remise, chassant ce qu'il trouvait dans les bois. La chasse était une activité encore plus effrayante, mais nécessaire à sa survie. Ayant chassé quelques lapins déjà, il avait gardé des morceaux de viande de ceux-ci, qu'il lançait chaque jour en direction de l'oiseau. L'aigle regardait d'abord les morceaux tomber à terre avant de descendre les manger. Mais avec le temps, il commença à les attraper au vol.

Un jour, alors qu'il débitait encore du bois, l'aigle vint se positionner à côté de lui, l'étudiant de plus près. Aiden fut d'abord terrifié de le voir agir soudainement ainsi, mais lui lança tout de même un morceau de viande. L'aigle l'attrapa au vol, encore une fois. Puis cette fois, le jeune homme plaça le morceau sur sa main gantée, pointant le morceau du doigt. Au début, l'oiseau semblait dubitatif et méfiant, mais après un grand moment d'hésitation, il se jeta sur la main d'Aiden, récupérant le morceau. Souriant pour la première fois depuis sa capture, le bûcheron venait de se faire un nouvel ami, qu'il appela Vigile. En effet, il en avait besoin pour le prévenir en cas de danger... Peut être l'aiderait-il à vaincre ses peurs?

A présent, Aiden est toujours dans la forêt, à chasser pour se sustenter et à couper du bois pour se chauffer. Une source non loin de la cabane l'aide également à s'abreuver. Seul, isolé de tous, sauf lorsqu'il va vendre du bois et des peaux dans un village lointain contre des flèches, il mène une demi-vie, qu'il essaye de reconstruire. Il ne récupérera jamais les années qu'on lui a volé, et les séquelles sont trop importantes pour disparaître facilement. Mais il a l'espoir qu'un jour, peut être, ses cauchemars cesseront et que ses plaies, mentales, guériront.

Aiden's Nightmare

  

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