Messages : 440 Date d'inscription : 21/05/2014Royaume : Silraen
Sujet: Le Chant des Glaces Dim 1 Juin - 18:33
Entendez-vous le souffle glacé du vent ? Ce chant insolite et mordant, brûlant jusqu’à votre cœur ? Vibrez-vous devant la complainte de ces terres, prisonnières de cette gangue gelée ? Sentez-vous la vie courir sous ses veines de cristal et de froid ?...
Mais tendez d’avantage votre oreille et ouvrez votre âme. Une mélodie flotte dans l’air, plus douce, plus lumineuse... Ne percevez-vous donc pas ces mots murmurés dans la tempête, ces paroles bravant l’assaut du vent ? Elles sont pareilles à une petite étincelle affrontant le zéphyr. Ecoutez, écoutez...
« Etendard des Lumières, sacrement des étoiles,
Etrangère des enfers mais si proche de ses terres,
Tumulte des astres anciens pour un peu de poussière,
Juste un éclat de sang pour un cœur d’abyssal,
Lumière des éthers, gardienne des éclats,
Seulement enfant d’étincelles... »
Cette voix, perdue dans la tempête, était celle d’une jeune femme. Assise sur un rocher surplombant un gouffre, faiblement vêtue malgré le froid mordant, elle chantait. Ses longs cheveux noirs flottaient jusqu’à ses hanches, parfois emportés par les jeux du vent. Telle une statue de glace, cette femme ne bougeait pas. Seules ses lèvres semblaient animées par la vie.
Pas un frisson ne secouait sa peau diaphane, exposée à cette tempête de neige et seulement recouverte par une simple robe. Un être humain serait mort immédiatement dans ces conditions, de même que toute créature ne résistant pas à de pareilles températures. Mais il n’en était rien, Shäara aurait pu rester des heures sur ce promontoire en prenant ces attaques gelées pour de simples caresses. Elle aimait la neige, les tempêtes qui pouvaient accompagner ces terres parfois si calmes et légères. La puissance des éléments et la vitesse des changements. Elle aimait cet endroit plus que tout, un lieu où vider son cœur et purifier son âme.
Ses yeux, clos jusqu’à présent, s’ouvrirent enfin lorsqu’elle cessa de chanter. Deux éclats rougeoyants firent alors leur apparition sur son visage. On ne voyait à présent plus que ces boules ardentes contrastant farouchement avec la peau si blanche, presque lumineuse de la jeune femme. Et comme pour répondre à l’appel de cette couleur flamboyante, les cheveux de Shäara prirent une teinte ocre, orange puis finalement rouge sang.
A cet instant la tempête se calma, emportant avec elle les derniers mugissements du vent. Ne régnait plus qu’un calme profond, seulement troublé par la respiration de la jeune femme. Fermant alors de nouveau ses paupières, elle inclina légèrement la tête en arrière et se remit à chanter. Sa voix vibrante envahit bientôt tout l’espace, pareille à une onde de douceur dans les monts blancs des Terres Arctiques.
Shäara Etoile noire des Lumières
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Sujet: Re: Le Chant des Glaces Mer 3 Déc - 9:13
Presque un an s’était écoulé depuis ce jour d’innocence et de douceur. Une année de doute et d’angoisse, aussi vive de rencontres que de douleurs. Une année pendant laquelle elle n’avait plus été simplement Shäara…
La jeune Ethérée fit quelques pas, pieds nus dans la neige. Cette fois ci il n’y avait aucune tempête pour l’accueillir, seulement quelques flocons qui se glissèrent dans sa chevelure rousse. Le monde était paix et cette douceur apaisante était ancrée dans le cœur de Shäara. Enfin elle avait pu comprendre, apprivoiser et non dompter. Yaphel, cette part de son être si prompte à la violence avait enfin trouvé sa place. Deux âmes dans un seul corps, une harmonie sans faille, enfin…
S’avançant vers le promontoire qui avait déjà abrité ses chants, elle s’assit finalement sur le tapis blanc et observa le ciel. Quelques nuages sur une toile bleu nuit et grise, le tout souligné par quelques étoiles à peine visibles.
« Mères… Voyez à présent ce que je suis. J’ai enfin rejoint le chemin de ma naissance, l’appel de la Lumière. Quant à cette part de noirceur qui me hante, j’arrive enfin à voir en elle une sœur et non un ennemi. Yaphel peut vivre en moi, doit vivre en nous. Elle est ma force et ma volonté, je suis sa part de douceur et son lien avec la vie. Acceptez-vous encore d’être les Mères d’enfants maudits ? »
Comme une réponse, certaines étoiles se mirent à scintiller de plus belles. Les yeux rouges de l’Ethérée se remplirent alors de larmes tandis que ses mains se serrèrent contre son cœur. Son visage toujours tourné vers le ciel, la jeune femme entrouvrit doucement les lèvres et laissa son cœur parler. La mélodie, aussi douce qu’un souffle, s’envola en direction du ciel. Ses paroles n’étaient autres qu’un mélange d’espoir et de vie.
Doucement, des notes de violon et de harpe envahirent l’espace, accompagnant le chant de l’Ethérée qui grandissait. Le murmure se fit appel, aussi beau et puissant qu’un cri vers le ciel. Amour et paix, évasion dans la plus pure forme qui fut.
Dernière édition par Shäara le Dim 19 Avr - 11:24, édité 1 fois
Zëma'Khaal Ronge-Monde
Messages : 61 Date d'inscription : 21/01/2015Royaume : Aucun
Sujet: Re: Le Chant des Glaces Sam 21 Mar - 17:43
La Glace, le froid, l'infini... Un vent fort et glacial frottait ses écailles insensibles. Il était seul. Totalement seul. Et cela n'était pas pour lui déplaire.
Porté par ses immenses ailes noires, le Ronge-Monde filait haut dans le ciel, invisible depuis le sol loin dessous. Il avait quitté bien des jours auparavant les bois des vals des contrées mortelles du Silraen pour embrasser sa forme réelle et s'en aller vers les inhospitalières falaises gelées. Ce qu'il recherchait là-bas ? Lui seul semblait pouvoir le comprendre...
La solitude, aurait-il tonné, sans doute. Cependant, quelque quête intérieure nécessitait parfois de se heurter aux éléments pour se vider l'esprit. Derrière sa hargne sans égale, le noir n'était pas dépourvu de sagesse, et savait quand cela s'avérait nécessaire pour ne pas sombrer dans la folie pure et simple. Las de parcourir les pays tempérés et emplis de verdure, le déchu s'était naturellement tourné vers un territoire qu'il n'avait que peu exploré, n'ayant pas d'attirance spéciale pour le gel. Le monde était suffisamment vaste pour que chacun y trouve son bonheur. Lui-même ne s'était jamais enquis de se trouver un foyer. Il n'y voyait aucune utilité, et son statut de banni l'obligeait à disparaître dans les foules, pour y être toléré par des divins dont les yeux et les oreilles traînaient un peu partout. Même près d'un millénaire s'était écoulé depuis la mise à sac des terres sacrées du Silraen, il était certain que le maudit dragon-pelouse ne l'avait pas oublié... Et ne se priverait pas de le chasser de nouveau s'il avait vent de sa présence en son royaume. Tel était son fardeau, désormais.
Avec un grognement semblable au roulement du tonnerre, Zëma'Khaal inclina légèrement les ailes et entama sa descente vers les terres extrêmes inhabitées. Là, au moins, il serait tranquille. Pas de mortels agaçants ou de dieux stupides. Rien que les éléments déchaînés. L'idée le rassérénait comme un repas copieux.
Le dragon laissa les vents froids et puissants gonfler sa voilure, dérivant nonchalamment au-dessus des nuages éparses qui dessinaient le ciel ce jour-là. Quelques légers flocons venaient faire scintiller sa cuirasse en s'y accrochant le temps de fondre. Or, au travers du sifflement régulier de l'air, son oreille de prédateur perçut un son qui n'avait rien de naturel. Des paroles. Claires et cristallines, elles s'égrenaient en rythme le long d'une chanson si belle qu'elle ne semblait pas mortelle. Y avait-il des divins dans ces contrées là ? La voix était féminine. Pas seulement. Elle était... venue d'ailleurs. Zëma'Khaal tendit l'oreille et se laissa bercer quelques temps par l'écho lointain.
Ce chant. Cette musique.
Amour et paix.
Un long frisson parcouru l'échine noire. Non... était-ce seulement possible ? Avait-il finalement atteint les frontières de la folie et succombé à ses propres chimères ? Lui qui avait pourtant juré de les dompter ? La voix se fit entendre de nouveau, douce, légère, portée par l'écho infini des plaines. Il n'y tint plus. Du haut des cieux, il tourna son immense tête vers la source de la mélodie et fendit les nuages telle une lance titanesque. Où ? Où était-elle ? Il lui fallait la trouver. Maintenant. Lorsque le couplet prit fin, Zëma'Khall poussa un rugissement, un appel qui, bien que tonitruant, était porteur d'une joie non dissimulée pour qui était en mesure de le déchiffrer.
Il vit enfin le petit point noir sur le sol, là-bas. C'était de là que venait le chant. Remuant l'air de toutes ses forces, le dragon se propulsa vers la terre gelée avec la ferme intention d'en avoir le cœur net. Il bascula pattes en avant et se posa à un bon kilomètre de sa cible pour ne pas lui causer de désagrément par sa fracassante arrivée. Mais revint bien vite sur ses pas pour se poster, droit et fier, le cou en S, au-dessus de la présence lumineuse qu'il percevait maintenant très bien. Ce ne pouvait pas être une coïncidence, elle était... Oui, ce ne pouvait être qu'elle ! Mais par quel tour ?
Elle était différente. Son visage, ses cheveux, ses yeux... Différente, oui, mais...
Les yeux de lave dévisagèrent la chose minuscule qui se trouvait là, seule, en compagnie de son instrument. La gueule du dragon s'entrouvrit pour laisser s'échapper un son puissant et grave. Mais la voix qui s'éleva n'avait rien d'agressive. Elle portait même cette étincelle de folie mue par le fol espoir, la stupéfaction... et l'anxiété.
"...Illnya ? "
Shäara Etoile noire des Lumières
Messages : 440 Date d'inscription : 21/05/2014Royaume : Silraen
Sujet: Re: Le Chant des Glaces Dim 12 Avr - 12:11
Les paroles se firent appel, les mots promesse d’espoir et de lendemain. Il n’y avait plus que l’immensité du monde et cette paix se profondément ancrée dans son âme. La jeune femme vibrait dans cet étau de douceur et lorsqu’enfin sa chanson prit fin, elle sentit que tout son être était à présent uni et apaisé. Une place dans ce grand cycle qu’était la vie lui était accordée, comment ne pas savourer cet instant ?
Mais l’harmonie des lieux et ce partage avec les Mères étoiles vola en éclat lorsqu’un son aussi puissant que le tonnerre déchira le ciel. La peur, l’angoisse même, auraient dû déferler avec violence dans le cœur de l’Ethérée mais étrangement il n’en fut rien. Cet appel, car il ne pouvait s’agir d’autre chose, résonnait avec force dans ses âmes. Mue par une étrange intuition, Shäara choisit cet instant pour se relever et faire face à l’origine de ce cri qui tintait encore à ses oreilles.
Ce fut alors qu’une créature d’ombre et de puissance tomba du ciel. Son arrivée aurait pu être dévastatrice si elle n’avait été tant maitrisée et surtout si loin de la jeune femme. Le sol soupira de douleur et quelques pierres perdirent leur couche de neige, mais ce trouble était mineur face à l’immense être qui venait de faire son apparition. Un être qui malgré sa taille ne mit que quelques mètres à rejoindre l’Ethérée. Ce serait mentir que de dire qu’à cet instant Shäara baignait toujours dans cet état de paix intérieur. Mais elle était bien davantage impressionnée qu’effrayée, sans doute maintenue dans cet état par l’âme de sa sœur, Yaphel. L’existence des divinités avait été une étape d’acceptation difficile à franchir, mais jamais sa route ne l’avait amenée à croiser un Dragon.
Et si Shäara n’avait aucun doute quant à la nature de cet être, c’était simplement grâce aux histoires de Grand ’Ma, ces contes et légendes qu’elle lui lisait enfant. Souvent les Dragons y apparaissaient comme des êtres incontrôlables vibrant de colère et de haine. Une image que la vieille femme s’était empressée d’effacer, apprenant ainsi une chose essentielle à la fillette qu’elle était : il ne faut pas simplement croire, il faut voir et comprendre… Or ce que Shäara lisait dans le regard du Dragon était bien loin de toute source de destruction. Il y avait une pointe d’espérance accompagnée d’un soupçon de peur. Quant au son qui s’échappa de sa gueule immense, il vibrait telle une supplique, l’appel d’un être aimé.
La scène aurait été déroutante pour n’importe quel spectateur. Une créature de puissance et de magie, capable de broyer en quelques instants quiconque croisant sa route, regardant avec espoir une faible créature de taille humaine. Une Ethérée qui sut lire dans l’âme du Dragon et comprit qu’elle n’était pas l’objet de sa quête. La pièce aurait pu s’arrêter là, apportant son lot de déception et d’adieux mais Shäara ne put retenir un geste. Avec douceur, elle posa sa main droite sur son cœur et laissa son autre main effleurer l’armure écailleuse en quête d’un battement. Pas un mot ne quitta ses lèvres durant cet instant, son geste suffisant pour décrire ce que son cœur voulait exprimer. Tu n’es plus seul…
Shäara ignorait tout de ce Dragon, son passé, sa vie, ce qui faisait de lui ce qu’il était mais elle sentait qu’il avait souffert. Et si ce geste était jugé comme déplacé et provoquer la fureur de cet être, qu’il en fut ainsi. Ses longs cheveux roux flottant aux grès du vent, Shäara attendait une réaction, ne cherchant pas à fuir cette situation qu’elle avait provoquée. Ses yeux de sang clos, elle vibrait de paix et de douceur dans cet océan de blanc, attentive et sereine.
Note:
Désolée pour l'attente T-T...
Dernière édition par Shäara le Sam 18 Avr - 20:06, édité 1 fois
Zëma'Khaal Ronge-Monde
Messages : 61 Date d'inscription : 21/01/2015Royaume : Aucun
Sujet: Re: Le Chant des Glaces Lun 13 Avr - 21:51
Amour et Paix.
Amour et Paix !
Oh, il n'y avait qu'elle pour chanter telle mélodie. Elle, pour le bercer au son de sa voix divine, plus pure que le diamant taillé, plus douce que le zéphyr d'été. Illnya. Que n'aurait-il pas donner pour la prendre avec lui, là-haut, quelque part dans les pics enneigés, où nul ne serait venu troubler leur quiétude. Et l'écouter chanter... S'endormir à ses côtés pour l'éternité. Trouver enfin la Paix. Lui qui n'était que Colère. Ses narines s'ouvrirent en grand et laissèrent s'échapper un profond vrombissement lorsqu'elle s'approcha de lui, l'éclat d'espoir toujours accroché au coin de l’œil. L'avait-elle reconnu...? Elle ne pouvait tout de même pas l'avoir oublié...
La minuscule paume se posa sur les écailles d'ébène.Son sang magmatique ne fit qu'un tour : avait-il enfin... Non... attendez...
La petite étoile avait fermé les yeux, comme si soudain le chagrin s'était emparée d'elle. Tout son corps semblait crier : Je suis désolée.
Zëma'Khaal ne bougea plus. Ce simple contact, presque impalpable, avait suffi à le changer en statue. Pourquoi ? Qu'essayait-elle de lui dire ? Un instant, il crut qu'elle allait lui sourire, lui parler, mais... Non. Tout ne fut plus que silence, et le Dragon comprit. Un lien étrange l'avait uni par ce contact à l'être de lumière, et ses sentiments à elle l'envahirent une fugace seconde.
Une faible plainte surgit des profondeurs de sa gorge. Ses lourdes paupières se fermèrent à son tour. Un instant, plus rien ne se meut. L'immense silhouette noire, prostrée, parut rendre hommage à une âme perdue. Lorsqu'ils s'ouvrirent à nouveau, les yeux d'or fondu dévisagèrent intensément l'inconnue.
Si elle l'était pas Illnya, elle était pourtant comme elle. Le premier être semblable qui lui fut donné de croiser depuis... depuis ? Un temps impossible à définir.
Tu n'es plus seul.
Aucun mot n'avait été prononcé, ils s'étaient seulement formé spontanément en son esprit. L'étoile pouvait-elle user de télépathie ? C'était... étrange, et déroutant. Mais pas désagréable. Le museau noir se rapprocha un peu du sol, louchant presque pour apercevoir celle qui se trouvait en bas. Le souvenir d'Illnya était si brûlant, même après tout ce temps. N'était-ce pas irrespectueux envers sa mémoire que de se réfugier comme un enfant dans les bras d'un autre, même si semblable ? Zëma'Khaal oscillait entre le bonheur, la honte et l'abattement. Trop de sentiments inhabituels qui finalement n'aboutirent qu'à une question :
"Qui es-tu, Tombée-des-cieux ?"
Dernière édition par Zëma'Khaal le Jeu 22 Mar - 16:15, édité 1 fois
Shäara Etoile noire des Lumières
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Sujet: Re: Le Chant des Glaces Dim 19 Avr - 11:44
Il n’y eut aucun rugissement, pas un geste de recul, simplement de la curiosité. L’immense tête noire se pencha davantage vers Shäara, provoquant par sa respiration un certain tumulte dans ses cheveux.
"Qui es-tu, Tombée-des-cieux ?"
La main de la jeune femme glissa du manteau écailleux lorsque celle-ci recula de quelques pas. Ses paupières se soulevèrent, offrant au monde ses iris teintés de sang.
« Je suis une éthérée, enfant des mères Etoiles. Mais je sens dans ton cœur que ce n’est pas la première fois que tu rencontres quelqu’un de mon espèce… »
Son espèce, son peuple, étrange ironie que d’employer ses termes quand tous avaient essayé de la détruire quelques secondes après sa naissance. « Je pourrai également te dire que je suis une musicienne, vibrant sur les cordes du chant et de la danse pour apporter un peu de paix dans le cœur des hommes. Mais je suis avant tout une paria, une enfant maudite reniée par ses pairs. »
A peine eut elle prononcé ses quelques mots qu’un flot de haine envahit ses veines. Yaphel se manifestait, emplie de fureur face à cet aspect de leur histoire. Elles avaient été condamnées, injustement méprisées pour un élément indépendant de leur personne. Ces simples yeux rouges, objets de la malédiction perverse du Tolväar.
Le sentiment de paix dans son cœur s’étiolait, aussi Shäara décida-t-elle de se détourner du Dragon pour contempler le ciel. Voir la douce étincelle des Mères restait une source certaine d’apaisement. Ce ne fut que lorsque Yaphel retourna au silence dans son âme, abandonnant toute trace de colère que Shäara reprit la parole.
« Mais toi noble Dragon, qui es-tu ? Et quel passé t’a conduit en ces lieux ? Parler sera peut être source de douleur, mais je sens que ton âme a besoin de s’épancher. Je sens également ta déception car je ne suis pas celle que tu cherchais, mais bien qu’étoile maudite j’accepte d’être étoile si ceci peut soulager ton cœur... »
Le visage toujours tourné vers le ciel, la jeune femme guettait une réponse. Consciente de ne toujours pas avoir donné son nom, elle attendait le moment opportun pour expliquer que Shäara ou Yaphel conviendrait parfaitement. Deux noms pour deux âmes, une autre facette de son histoire.
Le temps de son côté se détériorait à vue d’œil. Le vent se faisait plus incisif, accompagné d’une myriade de perles de gel. Les nuages assombrissaient davantage le ciel, masquant presque entièrement les Mères étoiles. Shäara sentait une certaine raideur dans le bout de ces doigts mais elle refusait de bouger, ne voulant pas déchirer la toile qui se créait sous ses yeux. Elle adorait plus que tout voir les éléments de la nature se déchainer. C’était avec délice qu’elle venait en ces lieux, désireuse de voir la toute-puissance de la vie se manifester.
Mais quelque chose d’autre retenait la jeune femme, comme si un simple geste pouvait briser le lien fragile qui s’établissait entre deux êtres de magie. Ce n’était pas simplement la politesse ou la curiosité qui avaient poussé Shäara à s’intéresser au passé de ce Dragon. Elle se devait de l’aider, rien de moins.
Zëma'Khaal Ronge-Monde
Messages : 61 Date d'inscription : 21/01/2015Royaume : Aucun
Sujet: Re: Le Chant des Glaces Dim 19 Avr - 15:33
Les étoiles. Quels êtres étranges. On les voyait quotidiennement, lorsque la nuit se faisait sur Vanalheim. Pourtant, peu de choses étaient aussi mystérieuse en ce monde. Ainsi, la jeune femme était de leur engeance. Tout comme Illnya. Sauf que, cette fois, l'éthérée se souvenait. Elle connaissait son passé, l'exposa comme un fait douloureux qui, au son des mots, rouvrit soudain toutes les vieilles blessures endormies du dragon noir.
Zëma'Khaal ouvrit grand les yeux, ses deux pupilles n'étant plus alors que deux traits de pinceau avalés par le flamboiement des iris solaires. Un enfant... renié. Banni. Haïs.
Oh, oui, je sais. Tu n'imagines pas à quel point je comprends ce que tu ressens.
Ne répondant pas tout de suite à la question qui lui avait été posée, le dragon se redressa, sa tête triangulaire s'élevant, regard à l'horizon, fixant un point imaginaire. Ses traits se déformèrent brièvement, une haine intense brûlant dans ses veines quand il songea à son passé. Il était définitivement irrécupérable. Sa nature même semblait s'opposer à ce qu'il se débarrassât de ses ressentiments. Ils étaient gravés, à jamais, quelque part en lui, il ne savait trop où.
La voix grave et sourde du dragon roula avec douceur dans l'air, un ton las et désabusé noyant toute autre forme d'expressivité dans ses propos.
"Mon âme est asséchée depuis longtemps, belle étoile. Mais il est si rare de croiser en ces terres un être qui soit digne de mon respect, de ma confiance... Je n'ai pas l'habitude de conter ma vie. Mais oui, je l'ai fait autrefois, pour les yeux insondables de l'une de tes semblables. J'ignore quel hasard m'a fait voir en toi celle qu'elle était, mais mon cœur saigne, et j'accède volontiers à ta requête, ne serais-ce que pour conjurer le sort qui s'acharne sur moi. Tout comme toi, ma place en ce monde n'est pas celle qu'elle aurait du être."
Par où commencer ? Ah, tout était si simple en théorie. Mais comme toujours, la mise en pratique se révélait un exercice périlleux et complexe. S'il était aisé de comprendre ce qui l'avait mené sur les chemins tordus de la tromperie et des sentiments mauvais, un tout autre problème se posait si l'on tentait de définir ce qu'il était... Ce qu'il avait été, tout autant.
"Mon nom ? On ne m'en a pas donné, sinon celui qui devait être aux yeux de tous l'expression de l’opprobre dont on m'affuble : je suis Zëma'Khaal, en ancienne langue, fléau aveugle. Je n'étais rien, pas même pour celui qui me vit naître, et, lorsque je devins un fardeau pour lui, il se débarrassa de moi, dans l'un de ces ravins sans fond qui ont vu la naissance du Tolvaär, et où je restais prisonnier jusqu'à être en mesure de voler."
Il n'aimait pas ce nom, ce n'était pas un mystère : qui en aurait voulu ? La colère n'était pas un fléau, elle était partie intégrante des sentiments, de l'être, des choses de ce monde. Reflet de l'intolérance et de l'incompréhension obtuse de ses aînés, ce sobriquet n'était aujourd'hui que source de peur et de dégoût, alors que lui, des premiers de sa race, aurait dû être admiré et vénéré, non craint et rejeté. Il était un dieu. Et sa nature même avait été reniée. Un crime. Une aberration. Ses babines se retroussèrent légèrement à cette pensée.
"J'étais de ceux dont l'existence régit le monde. Je ne faisais qu'un avec l'orage et le magma, l'énergie et la magie, la foudre des cieux et le feu de la terre n'étaient que les expressions naturelles de mon être. Mais lorsque je pus à nouveau parcourir le monde, ma présence déplut à nouveau. J'étais déjà grand et fort, non plus cette chose chétive que l'on avait vite oubliée, et j'aurais sans peine pu m'imposer, cette fois, par la force, puisque l'on ne me laissait pas le choix. Meruwan le Vert en décida autrement, et me voici, jeté parmi les mortels, chassé, et prié de ne jamais plus paraître aux yeux de ce félon. J'erre depuis des éons sur ces mondes, comme tout paria. Je me cache, alors que je ne devrais que me montrer. Je cherche ce qui me rendra ce que j'ai perdu, or je ne trouve rien."
Oui, il passait allègrement sur le fait qu'il n'avait rien eu de plus pressé à faire que de revenir étriper celui qui l'avait jeté dans l'abîme. Mais aux yeux de Zëma'Khaal, cette omission n'avait rien de préjudiciable. Tout un chacun est légitimement en droit d'exiger que justice lui soit rendue, et si tel n'est pas le cas, de faire justice soi-même.
"Voici donc mon histoire, étoile. Voilà ce qui me conduit en ces lieux inhospitaliers. Ma quête peut bien paraître futile, elle est la seule chose qui m'importe vraiment, ma présence en ce monde n'étant, au fond, que secondaire. Sans but, une âme n'est rien qu'un courant d'air."
Le noir conclut sa tirade par un soupir qui n'était rien d'autre qu'un puissant vrombissement. Son regard revint vers les prunelles écarlates de l'éthérée et s'y amarra avec force.
"Je pourrais encore te conter durant des heures tout les maux qui me hantent et qui me font haïr toute cette plèbe malsaine, mais cela ne serait que futilité. Et je suppose qu'un être tel que toi n'a pas besoin d'entendre ce genre de considérations subjectives."
Bénies soient les étoiles, pensa-t-il, elles qui veillent là où d'autres ne font que paresser. Bénie soit l'étoile rouge, tout comme le fut l'étoile bleue en son temps. Peut-être ne retrouverait-il jamais sa liée. Et si cette perspective était purement révoltante, elle n'en était pas moins réelle, et le faisait se glacer de fureur, tout comme gémir de douleur. Il n'en montra rien. Devant l'éthérée, plus étrange qu'elle n'y paraissait, il sentait un tournant inédit se dessiner. Chance lui était donnée de partager de nouveau l'univers et les autres avec une âme de l'éther. Une lueur, bien que différente, non moins apaisante, fascinante, attirante.
"As-tu un nom ? demanda-t-il alors, J'aimerais pouvoir nommer celle que je vois aujourd'hui. M'en souvenir, garder la lueur qui est tienne dans mes yeux lorsque ma quête me mènera dans l'obscur le plus étouffant."
Puisse ce jour anodin être marqué à jamais d'une croix blanche.
Dernière édition par Zëma'Khaal le Jeu 4 Juin - 11:06, édité 1 fois
Shäara Etoile noire des Lumières
Messages : 440 Date d'inscription : 21/05/2014Royaume : Silraen
Sujet: Re: Le Chant des Glaces Dim 24 Mai - 12:41
La réponse de Zëma’Khaal fut longue, sensible et tellement douloureuse. Son avenir n’était plus, son passé n’avait jamais été, son existence n’était qu’incertitude. Quant à la colère qui guidait ses pas, elle vibrait dans l’air, aussi bruyante qu’un orage.
Shäara écoutait, sensible à chacun de ses mots. Naitre, être renié, châtié du simple fait d’être. Construire sa place dans un antre de noirceur aussi vorace que les ténèbres. N’être qu’un substitut de vie en quête d’une place, de sa place.
Lorsque le regard de l’immense écailleux s’ancra dans celui de la jeune femme, elle sentit courir vers son cœur un appel. Les mots employés n’étaient rien de plus qu’une pâle imitation de la réalité. Le désespoir, la haine, la vengeance, tant de sentiments difficiles à emmurer dans son âme.
Cette esquisse du passé prit fin, balayée par une simple question sur sa personne. L’Ethérée accepta ce changement, consciente que certaines paroles ne sauraient être prononcées aujourd’hui. Il fallait du temps pour regarder son passé en face et vivre chacune de ses facettes. Du temps pour comprendre, juger et tolérer.
« Je ne suis qu’une simple étoile, et j’ignore si cette lueur dont tu parles saura t’apaiser dans les tourments du temps. Mais il est juste que je t’offre mon nom, bien qu’il ne soit pas symbole d’une seule entité. Shäara fut le nom que m’accorda l’être d’amour qui me recueillit. Yaphel fut celui que choisit ma part d’ombre, ma méprisée, ma maudite et à présent ma sœur. Ce n’est pas une seule âme qui se tient devant toi, mais une symbiose perpétuelle de ténèbres et de lumière. Je ne suis plus un simple « je » perdu dans cet univers, incertaine dans les flots de l’avenir. Seulement un « nous » avide de vie… »
Décrire la naissance de Yaphel, cette entité maudite source de ses yeux rouges n’était pas nécessaire. C’était l’empreinte du Tolväar qui l’avait conçue, dès leur naissance, mais c’était leur acceptation mutuelle qui lui avait permis de prendre place. A présent, elles étaient un tout.
« Libre à toi noble Dragon de voir en nous l’harmonie ou le chaos. Nous ne sommes finalement qu’une simple toile, mélange d’encre et de neige, variant au grès des regards qui nous frôlent. Néanmoins, pour toi, nous souhaiterions être Lumière. Et pourquoi pas, loin de toute présomption, un début d’avenir. Nous souhaiterions t’accorder ce premier pas, puissant Dragon… Quel est ton nom ? »
Yaphel et Shäara tendirent leurs âmes vers celle, unique, du gardien des cieux. Le monde fit silence devant cet appel, ce semblant d’harmonie entre deux êtres certainement capables de s’apprivoiser.
Zëma'Khaal Ronge-Monde
Messages : 61 Date d'inscription : 21/01/2015Royaume : Aucun
Sujet: Re: Le Chant des Glaces Jeu 4 Juin - 13:45
Un flou artistique, un nuage incertain. La ligne de son destin n'existait pas : il était l'absent du panthéon, le siège vide, celui dont nul ne connaissait le nom. Une figure anonyme, cachée, qui errait désormais, âme en peine, parmi le brouillard gris des communs, de la multitude. Le pire ? Certainement qu'il n'avait pas le droit de s'en plaindre, trop heureux qu'on le laissât vivre et parcourir le monde sans chaînes ni fers.
Et elle, elle qui se disait, avec toute l'humilité du monde... "simple étoile" ! Ah ! N'as-tu donc jamais contemplé la fange qui ronge les fondations de ce monde pour te rabaisser de la sorte, née des cieux. Tu viens d'un monde à jamais inaccessible aux autres. Réjouis-t'en. Un léger nuage gris s'envola de ses narines obliques.
Shäara. Il fit rouler le nom en son esprit pour en tester toute la sonorité. Mais l'étoile fit bien plus que cela : elle lui en offrit...un second ? Le dragon laissa paraître sa surprise au coin de ses yeux légèrement arrondi sous le coup de la nouvelle. Deux étoiles pour le prix d'une seule. Une sorte d'entité double... Yaphel n'était visiblement pas la bienvenue. Mais qu'était-elle exactement ? A laquelle s'adressait-il en cet instant ? Aux deux à la fois ? Pouvaient-elles réellement être distinctes ? La voix de l'éthérée lui évoqua une idée, une idée qui l'accompagnait depuis longtemps, mais qu'il n'avait jamais évoqué clairement. D'un ton ferme, toujours empreint de cette sourde colère latente, le Ronge-Monde déclara à l'attention de celle qui se sentait -certainement à juste titre - stigmatisée par sa nature étrange :
"L'harmonie et le chaos ? Ce ne sont que deux faces d'une même chose : l'existence. N'écoute pas ceux qui te pensent anormale. Le chaud n'existe pas sans le froid. Ni la lumière sans obscurité. Tu es telle que tu dois être. Vous êtes ? Oui, je suppose que vous conviendra mieux."
Jamais la situation ne s'était présentée auparavant. Deux êtres dans le même corps. Il n'osait imaginer tel calvaire, alors que le sien lui paraissait parfois même trop étroit pour lui et son ire.
"Qui suis-je ?"
Une question qu'il s'était posé des milliers de fois sans entrevoir la réponse. Mais en réalité, il réalisa face à Shäara qu'il ne se l'était toujours posée que d'une seule manière. Il avait subi le monde en attendant que celui-ci lui révèle le pourquoi. Le noir n'avait pas songé qu'un jour, il lui faudrait forcer le monde à accepter un choix venant de lui. Il n'était plus un dieu, mais il pouvait encore se choisir un nom. Tout comme il s'était jadis donné Nuun comme sobriquet pour extérioriser toute la rage acide que lui inspirait sa situation d'alors.
"Je ne le sais pas encore, avoua-t-il avec un sourire qui dévoila sa dentition géante, mais vous avez raison. Un nom. Il me faut un nom, celui que je choisirai seul et qui sera l'oriflamme de ma volonté. Un chant dont les notes seront les piliers de mon âme !"
Voilà une perspective des plus réjouissante ! Oui, il n'était plus temps de se cacher. Le dragon se redressa quelque peu, ses griffes d'ébène crissant sur la glace. Un nom semblable au hurlement de la foudre, coup de clairon sonnant la charge sur ces dieux futiles et vils. Libre et sauvage, à son image. Il reporta son attention sur la petite forme de l'éthérée à ses pieds. Sa voilure s'étendit depuis ses flancs, couvrit la lueur du jour et les plongeant instantanément dans une ombre feutrée aux airs de tempête orageuse.
"La lumière sera-t-elle mon guide ? ronronna la voix rocailleuse, l'ombre suivra-t-elle ? Cette quête s'annonce pour le moins difficile. Et votre voix ne pourrait qu'égayer ce morne voyage..."
Ses babines écailleuses se retroussèrent en un large sourire. Oh, si seulement. Si seulement cette voix pouvait le bercer pour l'éternité. Hélas, il ne pouvait lui demander cela.
Shäara Etoile noire des Lumières
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Sujet: Re: Le Chant des Glaces Mer 10 Juin - 12:58
Il n’y avait aucune réponse à cette simple question, aucun mot pour décrire l’immense Dragon qui se tenait devant elles. Mais le temps viendrait et les mondes sauraient quel merveilleux être nageait dans les bras de leurs vents. Zëma’Khaal, ce nom de haine, ne demandait qu’à disparaitre. Et au sourire qui ornait la gueule du Dragon, cette forme de renaissance n’était pas pour lui déplaire.
Mais était-ce là la fin de cette rencontre ? D’immenses voiles noirs apparurent et masquèrent davantage le ciel. L’heure du départ, des adieux ? Un simple geste, une gigantesque bourrasque, et cet être de magie ne serait plus qu’un doux souvenir dans le cœur des jeunes femmes. Un Dragon qui resterait pour elles un esprit de liberté ayant su briser une partie de ses chaines. L’Ethérée baissa les yeux, consciente qu’elle n’avait aucun droit de le garder ici plus longtemps. Et alors qu’elle se préparait à reculer de quelques pas, montrant ainsi que rien ne retenait plus l’immortel en ces lieux, une demande vola jusqu’à ses oreilles. La Lumière pour guide ? Une acceptation complète de ce qu’elles étaient ?
Pour la première fois depuis des saisons, une personne faisait fi de leur nature maudite et leurs demandait de rester. Si Yaphel demeura distante face à cette demande, Shäara ne sut empêcher une larme unique de rouler sur sa joue. Incapable de quelques mots, elle leva alors simplement son visage et chercha à croiser le regard du Dragon. Ce dernier souriait, et il n’était pas le seul bien que les lèvres de l’Ethérée demeurèrent figées. Ses yeux rouges scintillaient de joie, une gaieté presque palpable dans l’air. Le bonheur, dans son plus pur écrin…
« J’accepte… », des mots simples pourtant chargés de mille émotions. « Nous serions honorées que nos routes ne fassent plus qu’une pendant encore quelques lunes. »
Et pourquoi pas aussi longtemps que le chant des Etoiles couvrira ses mondes de sa mélodie… Mais l’Ethérée ne laissa pas ses mots franchirent ses lèvres, à peine consciente de leur existence dans son cœur. Car oui, il était doux d’exister autrement que par la peur et la haine des autres. L’immortel ignorait certainement l’ampleur du cadeau qu’il venait d’offrir à l’Ethérée, mais peu importait. Pour l’instant, seul le présent comptait. L’avenir, lui, n’était qu’une simple esquisse à peine dévoilée, quelques traits épars sur la toile du temps. Une toile qui étrangement, grâce à cette rencontre, vit quelques-uns de ses filaments devenir aussi brillants que le cœur des Etoiles.
Zëma'Khaal Ronge-Monde
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Sujet: Re: Le Chant des Glaces Mer 29 Juil - 17:41
"J'accepte."
Ces simples mots firent soudain éclore en son cœur aride un bouquet inattendu et gracile d'émotions vives. Elle acceptait !
Mais avec cette joie naquit aussi l'anxiété et le doute : faisait-il bien ? Shäara n'était pas Illnya... N'offensait-il pas la mémoire de son étoile bleue en calquant ainsi ses espoirs et souvenirs sur une autre ? Ne faisait-il pas preuve, en un sens, d'infidélité ? Les idées se bousculaient dans son énorme tête, sans qu'il ne parvienne à une conclusion satisfaisante. Un dilemme atroce, qui provoquait une tempête terrible sous son crâne, et qui entachait bien malencontreusement les instants de paix salvatrices que lui avait offert cette rencontre miraculeuse. La chaleur sentimentale qui se dégageait de l'éthérée l'attirait indubitablement. Il était fatal qu'il y succombe un jour ou l'autre. Mais l'amitié de Shäara et Yaphel portait quelque chose de bien différent. Quelque chose d’incongru, de curieux : il ne s'agissait pas d'une créature ordinaire, même pour une née des cieux ! Une singularité dans l'Univers, et il se sentait d'humeur scientifique à élucider tel mystère.
"En ce cas, montez ! Mes ailes nous porteront aussi vite que la tempête, en toutes les terres que compte ce monde ! Un Dragon ne connaît nulle frontière."
Et sur ses mots, il s'affaissa lourdement sur place, présentant son immense patte avant tel un escalier à la jeune femme. Jalonné de pics et d'écailles tranchantes, le membre épais pouvait être vu comme un chemin redoutable semé d'embûches, mais était toujours plus facile à escalader qu'une carcasse lisse comme cette banquise de glace où ils séjournaient. Le dragon aimait la perspective d'un vol, mais plus encore de partager son privilège avec les esprits éthérés. Pouvait-elle voler elle aussi ? Aimait-elle la caresse du vent sur son museau ? Cette sensation d'infinie liberté ? Il n'imaginait pas qu'il puisse en être autrement.
Thème - L'envol -
Une fois que la minuscule silhouette claire fut installée à l'arrière de sa tête, le noir se redressa sur les piliers qui lui tenait lieu de jambes et entreprit de faire demi-tour. Zëma'Khaal fit jouer les articulations de ses ailes, parées au décollage.
"Y a-t-il une contrée que vos cœurs et vos yeux aimeraient à connaître ? demanda-t-il alors à sa compagne de voyage, je vous y mène séant !"
En trois bonds de géant, il arracha sa masse du sol, défiant la gravité de toute sa puissante musculature imprégnée de magie. La longue voilure d'onyx s'étendit paresseusement dans l'air, le brassant avec violence sur une centaine de pieds, avant de se mettre à l'horizontale, filant avec majesté au-dessus des terres gelées. Ils montèrent encore et encore, jusqu'à disparaître dans les contrées cotonneuses du firmament.
hrp:
Vraiment désolée, c'est court pour un délais aussi long, mais je ne voyait pas beaucoup à rajouter.
Shäara Etoile noire des Lumières
Messages : 440 Date d'inscription : 21/05/2014Royaume : Silraen
Sujet: Re: Le Chant des Glaces Mer 19 Aoû - 9:50
L’Ethérée accepta l’invitation et entreprit de gravir l’escalier de fortune. Bien qu’agile, elle faillit plus d’une fois se couper sur les immenses écailles tranchantes. Mais quelques blessures n’auraient su l’arrêter tant ses âmes aspiraient à cet envol. La notion de liberté, d’absence de limite, c’était comme si tous les soucis de leurs êtres demeureraient à terre tandis que leurs esprits rejoindraient le ciel. Ce qu’il devait être doux de voler…
Arrivée au bout du chemin, Shäara prit place derrière l’immense tête. Ici, la peau ne semblait pas aussi agressive et austère qu’avait pu l’être celle de la patte. Les écailles étaient plus petites et étrangement douces au touché. La jeune femme les effleura du bout des doigts et ne put retenir sa joie. La sensation était réelle malgré l’irréalisme du tableau, elle n’était pas en train de rêver.
L’immense dragon bougea enfin, se redressant de toute sa taille, prêt à prendre son envol. La sensation de hauteur fut vertigineuse, c’était comme chevaucher une montagne ! Le souffle court, l’Ethérée tenta de s’accrocher de son mieux, impatiente et inquiète. Son cœur battait la chamade tandis que ses esprits exultaient. Infiniment petites dans l’infiniment grand. Ce fut alors que l’être de vent prit son envol. Le bruit, les sensations, Shäara eut l’impression d’être arrachée de la terre. Mais bien que surprise, elle n’eut pas à s’agripper avec force à l’énorme tête. Les gestes étaient doux, maitrisés, et si la puissance de l’envol l’avait quelque peu secouée, le vol était semblable à un soupir.
Les deux jeunes femmes vibraient d’harmonie avec le ciel. Quant au paysage, il était à couper le souffle. La vallée gelée s’étendait sous leurs pieds, immobile et éphémère, inaccessible et pourtant si proche. Etait-ce donc ça voler ? Incapable de contenir tous ses sentiments, la jeune femme étendit ses bras, et ferma les yeux. La caresse du vent contre ses bras nus était d’une telle douceur… Cet instant aurait pu durer une éternité qu’il n’aurait été semblable qu’à quelques secondes. Indéniablement ce jour-là, les Ethérées tombèrent amoureuses.
Mais tout à leur bonheur, les jeunes femmes se souvinrent qu’une question leurs avait été posées. Elles prirent quelques instants pour s’en souvenir et finalement sourire tant leur réponse ne pouvait être que prévisible.
« Nous aimerions atteindre les Mères Etoiles. Aller au plus près de leur étreinte, de leur éclat et entendre leur chant comme le jour de notre naissance. »
Shäara ignorait si cette demande était réalisable mais simplement tenter ce voyage était déjà quelque chose de merveilleux. Et si ces cieux restaient inaccessibles à leurs ailes, ce vol n’en serait pas terni, loin de là. Ce voyage dans les méandres du vent était fabuleux, unique, un souvenir qui resterait inégalé. Le cœur lourd d’affection, l’Ethérée se pencha vers l’avant, appuyant son buste et ses bras contre l’immense tête. Cette étreinte pouvait être déplacée face à un inconnu, mais Shäara ne ressentit aucune gêne, soutenue par un flot inégalé d’émotions.
« Merci… »
Hrp:
Bah, la réponse était bien, même courte ^^... Puis niveau timing, je n'ai pas tellement fait mieux x) Puis la musique... ♥
Zëma'Khaal Ronge-Monde
Messages : 61 Date d'inscription : 21/01/2015Royaume : Aucun
Sujet: Re: Le Chant des Glaces Lun 31 Aoû - 12:39
Le vent sifflait gaiement autour d'eux en vrilles furieuses, alors qu'à chaque battement d'aile, il déplaçait des morceaux entiers de nuages qui n'avaient rien demandé. Il sentait le frottement des petites jambes sur la peau écailleuse de sa nuque et en vrombit de contentement. Elles semblaient bien s'amuser, là-haut, et le dragon s'en félicitait. Il aimait ce rire cristallin et cette sensation de joie qui irradiait d'elles.
« Nous aimerions atteindre les Mères Etoiles. Aller au plus près de leur étreinte, de leur éclat et entendre leur chant comme le jour de notre naissance. »
L'énorme tête se dressa vers le haut. Les étoiles. C'était donc cela. Il n'était jamais parvenu à les atteindre, en vérité. mais peut-être était-ce juste parce qu'il n'avait point mis tout son coeur à l'ouvrage ? Avec plus de volonté...
« Qu'il en soit ainsi ! Nous allons vers les étoiles ! »
Et avec le rugissement de celui qui part en guerre, le noir se propulsa encore plus loin dans le pays du vertical, où les colonnes de nuages faisaient office de pilier à quelque gigantesque cathédrale. Tous les muscles de son dos roulaient avec aisance sous l'épaisse cuirasse, telles les dunes mobiles d'un grand désert de cendre. Puis, sur cette zone plus délicate, il sentit la chaleur du petit corps de l'éthérée se rapprocher, jusqu'à le toucher complètement, l'enlacer tout autant que ses bras le lui permettaient. Les yeux de lave s’arrondirent de surprise et le noir lâcha un petit nuage de fumée.
« Merci… »
Par les Temps Premiers, depuis quand n'avait-il plus entendu un tel mot ? Il ne s'en souvenait pas. Il véhiculait tant d'émotion que le Ronge-Monde en resta interdit. Après une minute de parfait silence, un puissant ronronnement monta des tréfonds de sa poitrine, roulant dans sa gorge comme un séisme. Il était heureux. Profondément heureux, pour la première fois depuis des éons. Il redoubla de force pour gravir les cieux, plus déterminé que jamais.
Les ailes du dragon les portèrent haut, très haut, toujours plus haut. Il se mit bientôt à geler, et une petite pellicule de givre apparut sur les écailles du monstre, le rendant luisant comme un gros cristal. Devant eux, il n'y avait plus de nuages. Uniquement un bleu pur, de plus en plus sombre, et l'horizon plat semblât soudain se courber. Non, il était courbe ! L'air se faisait rare dans leurs poumons, leurs têtes tournaient. Mais le spectacle était digne des dieux. Ils dominaient le monde, et sur leurs têtes, seules les étoiles trônaient, inaccessibles.
« C'est... étrange. Je me sens léger. Je n'arrive plus à monter. Où sommes-nous ? Est-ce la fin du ciel ? je ne suis jamais allé au-delà... »
Shäara Etoile noire des Lumières
Messages : 440 Date d'inscription : 21/05/2014Royaume : Silraen
Sujet: Re: Le Chant des Glaces Mar 24 Nov - 12:16
« Ce n’est pas la fin du ciel mais la fin des terres et l’appel des Etoiles, regarde ! »
Une couronne d’Etoiles brillait au-dessus de leurs têtes, rivalisant de couleurs et de lumières. Etait-ce là un effet lié au manque d’oxygène ? Très certainement, mais le spectacle était grandiose ! Shäara déplia son bras recouvert de givre et tenta de saisir l’une des mères, si proche et si loin à la fois. L’esprit sourd à la raison, elle se mit debout sur le dos du Dragon et appela ses créatrices, en quête d’une étreinte aussi douce que celle de sa naissance. Un simple écart et la chute serait imminente mais qu’importait car tous deux étaient là, au-delà du monde.
Le tableau était magique, à l’image de chacun de ses rêves. L’Ethérée vivait cet instant de pure harmonie avec délice et tout à son bonheur, il lui sembla entendre la voix de ses mères murmurer à ses oreilles. Ravie de ce chant, elle ouvrit davantage ses sens pour capter chacun de leurs mots. Mais alors qu’elle s’attendait à une vague d’amour et de paix, elle ne perçut que cet ordre troublant « Dis-lui ».
Erreur, il ne pouvait s’agir que d’une erreur. Dire, mais que dire en cet instant radieux ? Pourquoi diable tenter de briser cette beauté enivrante ? « Dis-lui, tu le dois » L’ordre fut cette fois plus cinglant encore, écorchant le cœur de la jeune femme. Ce n’était pas une hallucination, pas plus qu’un mirage auditif, mais un souhait. Ses mères lui demandaient de se confier et surtout de protéger cet être qui avait assez souffert dans son passé. Elle ne pouvait mentir, même par omission à cet esprit des vents. Mais alors incapable d’un tel geste, la jeune femme se laissa choir sur le dos du Dragon telle une poupée de chiffon.
Yaphel intervint à cet instant, prenant une place plus importante dans le corps de la jeune femme. Face à cette transformation, ses cheveux devinrent noirs et sa peau se grisa malgré son éclat lié aux Etoiles. Doucement, elle se redressa et tenta de s’approcher des oreilles du Dragon comme on s’approcherait de quelqu’un pour une confidence. Consciente de la réticence et de la douleur de Shäara, elle ne mit pas longtemps à répondre au souhait des mères et dévoila chaque parcelle de noirceur de leur histoire.
« Esprit des vents, écoute-moi. Ma sœur pleure de douleur à cette idée mais nous ne pouvons te cacher notre histoire plus longtemps. Oui nous sommes un être maudit et condamné par nos pairs, mais la raison de tout ceci est pourtant simple. Nos yeux, vois comme notre regard est l’incarnation même du sang et de la haine. Une Etoile ne peut offrir cette couleur à ses enfants, tout ceci n’est que l’empreinte du Tolväar. Oui, le Tolväar, ou plus précisément de Saphomoth qui a corrompu notre naissance. Shäara descend des mères Etoiles tandis que moi, je ne suis que le fruit du démon… »
Yaphel sentait le cœur de Shäara sur le point d’imploser. Elle savait par avance ce qu’il faudrait faire, mais avoir touché le bonheur du bout des doigts était si terrible…
« Et comme si tout ceci ne suffisait pas, Nékèpech le cruel a posé son sceau sur nous. En échange d’informations sur notre naissance, il a fait de nous son jouet. Nous devons obligatoirement répondre à une de ses requêtes. Un ordre qu’il nous sera impossible de refuser, et ceci très certainement même dans la mort. Nous ne pouvons donc pas prendre le risque de t’entrainer dans la noirceur de notre futur.
Alors merci, merci de nous avoir permis l’espace d’un instant de nous extraire de cette douleur quotidienne mais nous devons, pour ton bien, te quitter. Sache que Shäara ne peut s’empêcher de pleurer face à cette décision, certaine de t’avoir trahi. Elle souhaitait éclairer ton avenir, de tout son cœur. Mais comment t’offrir un semblant de lumière quand nous même ne pouvons quitter les ténèbres. Tu te dois de gouter au bonheur et vivre près de nous dans l’attente de notre châtiment serait une erreur. Tu te dois de vivre, réellement…
Adieu noble Dragon, adieu. »
Sur ces derniers mots, l’Ethérée se laissa glisser du cou du Dragon et fut happée par le vide.
Hrp:
Désolée de l'attente, vraiment. Comme marqué dans le sujet "absence" j'ai eu quelques petits soucis dernièrement... Mais à présent c'est bon, je reprends le rythme ^^
Zëma'Khaal Ronge-Monde
Messages : 61 Date d'inscription : 21/01/2015Royaume : Aucun
Sujet: Re: Le Chant des Glaces Mer 2 Déc - 22:42
Zëma'Khaal flottait librement entre deux monde, profitant de la quasi-apesanteur qui régnait en ce lieu étrange pour étendre paresseusement ses ailes au-dessus du monde. Le corps minuscule caché sur sa nuque se dressa vers celles qui l'avaient enfanté dans l'éther, et continuaient à veiller de loin en loin.
« Ce n’est pas la fin du ciel mais la fin des terres et l’appel des Étoiles, regarde ! »
Il leva les yeux vers l'espace noir où pulsaient lentement des milliards de cœurs brillants. Un "Prrrummm" puissant roula dans ses entrailles et remonta le long de sa gorge comme un séisme. Il était heureux, absolument et profondément heureux. Une sensation à la fois déroutante et délicieuse. Cette émotion, aussi brute et gigantesque que lui, entrait en résonance avec celle, volatile et souple, de la jeune étoile double. Et ils dérivaient, lentement, loin de tout, loin de tous, hors du temps.
Puis, la voix de la jeune femme changea, comme le vent change de route. Il sentit cette petite pointe discrète de douleur dans son propos. Une toute petite voix, mais qu'il percevait très bien dans tout ce parfait silence, comme un doux murmure à ses oreilles. Il l'écouta en silence, grondant en entendant des noms terribles et haïs. Tolvaä, contrée de perdition, où il avait déjà trop perdu. Saphomoth, tout aussi coupable que sa fratrie. Sa mâchoire claqua furieusement lorsqu'il comprit la teneur de ce qu'elle racontait : un pacte ? Un pacte avec le Cruel ? Le dragon siffla de mécontentement, sans l'interrompre pour autant, trop respectueux de ce qu'elle avait à offrir pour la couper dans son élan. Mais, peut-être aurait-il dû, tous comptes faits.
" Tu te dois de vivre, réellement… Adieu noble Dragon, adieu. "
Zëma'Khaal gronda de frustration : impossible de la voir, elle était assise sur son seul point faible, le seul endroit de son corps titanesque qu'il ne puisse atteindre en se tournant.
" Adieu ? "
Il réalisa une seconde trop tard ce qu'impliquait ce simple mot : lorsqu'il se retourna d'un coup d'épaule, avec une vivacité dont seul un être magique était capable, le corps de l'éthérée tombait déjà au travers de l'atmosphère brumeuse de Vanalheim. Le calme souverain qui l'avait envahi à son contact se brisa, comme l'écorce terrestre se déchire pour laisser remonter la lave par flots entiers.
"Qu'est-ce que tu fais ?! Reviens !! "
A la surprise la plus totale succéda une colère dont lui seul avait le secret. Ses écailles avaient pris la consistance du diamant taillé, hérissées comme des pointes et brillant d'un éclat nouveau. De ses quatre poumons jaillirent tous les vents imaginables, unis et vrillés en un hurlement qui parvint à résonner dans l'espace malgré l'absence d'air, une onde de choc formidable à l'image de ses sentiments d'immortel.
"SHÄARA !!! "
Gueule béante, l'immense dragon se laissa tomber du haut des cieux, se propulsant à l'allure d'un carreau d'arbalète vers la petite tâche qui filait vers la terre, inconsciente. Non, il ne la perdrait pas. Il ne la perdrait pas, pas comme Illnya. Le peu de conscience intacte qu'il lui restait n'y survivrait pas. Le tonnerre de ses ailes retentit au travers des nuages alors qu'il rattrapait l'éthérée dans sa chute malgré les frottements de l'air sur son armure. Le regard rivé vers la jeune femme en chute libre, il en oubliait presque que le sol ne tarderait pas à venir vers eux. Ses écailles s'échauffèrent avec la vitesse, et il ne fut plus qu'un météore incandescent qui fusait vers la terre.
Le temps ralenti, jusqu'à s'arrêter lorsque sa patte avant se déplia pour cueillir le petit être fragile qui pensait ne voir que la Mort. Il continua de chuter avec elle sur plus d'un kilomètre, refermant tendrement son immense main griffue comme une maison d'écailles autour d'elle. Lorsqu’il la sentit de nouveau près de lui, le nuage noir qui lui obscurcissait l'esprit s'évapora. De nouveau limpide et clair comme l'eau d'une rivière.
Son museau se braqua vers les terres qui apparaissaient au devant d'eux, et il vira en déployant sa voilure en un geste calculé, le souffle de sa décélération brutale secouant tout ce qui se trouvait en bas. L'atterrissage fut plus mouvementé qu'il ne l'avait espéré, et il roula sur son épaule en protégeant son précieux colis. Sous son poids colossal, le sol gémit. L'épaisse couche de neige se souleva en un véritable tsunami, le faisant disparaître complètement.
--
Lorsque le nuage de neige retomba en fine brume scintillante, au milieu du trou se trouvait un grand personnage tout de noir vêtu, tenant dans ses bras une femme à la chevelure oscillant étrangement entre le blanc le plus pur et le corbeau de plus profond. Une ride fendait son front à la jointure de ses yeux, trahissant l'inquiétude qui l'habitait tandis que ses yeux de flammes scrutait anxieusement le visage inerte de la blanche femme dont la tête reposait sur ses genoux. Il se pencha sur elle, sa chevelure lisse formant un long rideau autour de son visage :
"...Shaära ? ...Yaphel...? "
La voix étrange résonna avec un écho autour d'eux, interrogative. Elle ne pouvait tout de même pas être partie ? Pas elle, pas une éthérée...
Shäara Etoile noire des Lumières
Messages : 440 Date d'inscription : 21/05/2014Royaume : Silraen
Sujet: Re: Le Chant des Glaces Jeu 17 Déc - 10:34
Il n’y eut plus ni ciel, ni terre. Seulement un immense chaos prêt à dévorer chacun de ses membres. Son esprit abandonna tandis que son corps subissait les assauts du vent. A l’image d’une poupée de chiffon avalée par le vide, les jeunes femmes chutaient.
C’était finalement une chance qu’elles aient sombré dans l’inconscience car l’impact serait brutal. Une éternité, quelques kilomètres, bientôt quelques mètres et leur immortalité serait mise à rude épreuve. Mais étrangement cette course vers l’oubli se suspendit. Un contact, chaud, rugueux, protecteur. Une dernière secousse, une pluie d’étoiles gelées contre sa joue et enfin le silence.
Mais à présent, étaient-ce leurs noms qu’on murmurait ? Oui, un appel par-delà ce voile de ténèbres. Se raccrochant à cette voix, l’Ethérée ouvrit enfin les yeux. Le monde était flou, vaporeux, à l’image de son état. Quelques battements de paupières éclaircirent cet univers et lui permirent de reconnaitre le regard posé sur elle. Certes, l’apparence n’était pas la même mais il s’agissait de l’esprit des vents. Un flot de question vint alors engloutir son esprit. Pourquoi, comment, dans quel but, tant et d’autres que la jeune femme ferma une nouvelle fois les yeux.
Piochant alors dans ses dernières forces, elle leva une main tremblante et la posa sur la joue du Dragon. Des larmes roulèrent sur sa peau tandis que ses cheveux empruntaient leur couleur aux feuilles de l’automne. Incertaine d’être entendue, elle murmura néanmoins quelques mots.
« Merci… Mais je t’en prie, va…. Abandonne… Détresse, douleur… Vis loin de nous… »
L’ensemble était décousu mais restait cependant clair. Les jeunes femmes désiraient son départ et par ce geste son bonheur. Elles se devaient d’éclaircir leur route avant d’effleurer celle d’un autre être. Il était certain qu’elles porteraient malheur à quiconque suivrait leur destin. Et même si l’espace d’un instant elles avaient cru qu’il en serait autrement, il leur fallait être lucide. La malédiction de leur existence était telle qu’elle emporterait dans sa chute tous ceux présents.
D’un geste maladroit, elle tenta de se redresser pour s’en aller, fuir au plus vite. Une idée absurde, irréalisable dans son état qui la fit choir contre le buste de son sauveur. S’agrippant alors à ses habits, elle changea de stratégie et tenta de le repousser. A l’image d’une enfant essayant de basculer une montagne, ce geste-ci fut également vint. L’Ethérée rouvrit alors les yeux et chercha le regard du Dragon, tant et si bien qu’elle se retrouva à une dizaine de centimètres de son visage.
La jeune femme voulait alors lui crier de partir mais quelque chose retint son geste. Lorsque le sang rencontra les flammes, ses mots se perdirent. Etait-ce l’iris rougeoyant de l’esprit des vents ? Ou l’expression dans son regard ? Yaphel et Shäara n’osèrent plus un mouvement, touchées par l’idée incertaine que rien ne le ferait partir. Silencieuses, immobiles, elles demeurent là, happées par ses yeux si bavards qu’ils touchèrent leurs âmes.
Zëma'Khaal Ronge-Monde
Messages : 61 Date d'inscription : 21/01/2015Royaume : Aucun
Sujet: Re: Le Chant des Glaces Dim 24 Jan - 23:17
Il la tenait dans ses bras, cette frêle poupée de cire pâle qui menaçait de se briser. Elle était d'une légèreté inquiétante, presque impalpable sur ses membres d'onyx aux protections étrangement semblables à ses écailles. Il la dévisageait toujours, attentif.
« Merci… Mais je t’en prie, va…. Abandonne… Détresse, douleur… Vis loin de nous… »
Le visage de l'illusion exprima, l'espace d'une seconde, un fort mécontentement, pour se radoucir instantanément. C'est avec plus de mélancolie que de rage que le dragon répondit, d'une voix basse et grave :
" J'ai déjà essayé. Vivre loin d'une étoile. C'est impossible. Leur lumière m'attire plus sûrement qu'une flamme au milieu du noir des abysses. Et les dieux savent que je connais ce noir-là... "
Oh oui. On pouvait sentir tout le fiel contenu dans ces derniers mots. Zëma'Khaal passa une main étonnement légère sur le front de l'éthérée encore sonnée de son vol prématuré. Toute créature sans ailes s'essayant à ce plongeon n'en ressortait jamais tout à fait indemne. C'était vous donner l'impression de mort aussi sûrement que de voir s'ouvrir la gueule béante d'un prédateur.
"Je l'ai perdue elle. Je ne vous perdrais pas vous ! Que soit maudit jusqu'au fond des âges celui ou celle qui osera seulement profaner vos existences. Je serais la main du chaos pour cet être-là ! Rien ne saurait se mettre encore au travers de cette quête. Rien qui ne puisse être réduit en cendre. "
Parce qu'il l'avait dit, parce qu'il l'avait décidé. Déchu ou non, en ses cœurs et son esprit, il était le plus sauvage et le plus implacable des dieux. Celui qui un jour avait gravé dans le feu la terreur des forêts sacrées du Silraen.
"Shäara, Yaphel, vous devez revenir. Vous devez cheminer à mes côtés ! Nous sommes montés jusqu'aux étoiles, que peut-il advenir désormais ? Il n'y a nulle frontière que je ne saurais franchir avec vous. "
Le dragon ignorait quel réflexe lui avait fait reprendre cette forme pour réceptionner l'éthérée. Mais réduit ainsi à taille humaine, il se sentait bien plus proche d'elles. Il pouvait bien plus aisément interagir avec elles, et l'attirance fascinée qu'elles exerçaient sur lui ne s'en trouvait que décuplée. Un sourire étrange orna ses lèvres fines tandis qu'il dévisageait la créature féminine qui s'éveillait encore sur ses genoux enfoncés dans la neige.
Dernière édition par Zëma'Khaal le Lun 25 Jan - 20:27, édité 1 fois
Shäara Etoile noire des Lumières
Messages : 440 Date d'inscription : 21/05/2014Royaume : Silraen
Sujet: Re: Le Chant des Glaces Lun 25 Jan - 11:34
Bien qu’encore secouée par cette chute dans les bras de l’enfer, l’Ethérée parvint à clarifier ses idées. Yaphel, plus forte d’esprit que sa sœur, prit alors place. Les cheveux de la jeune femme se teintèrent de noir, à l’image de l’âme de son habitante.
« Nous savons, ma sœur et moi qu’il est impensable de changer ton envie. Celle qui consiste à demeurer près de nous… »
D’un geste las, la jeune femme recula un peu et passa une main tremblante sur son visage.
« Mais sache que malgré ta puissance et ta détermination, nous ne pourrons certainement pas être sauvées. Et si nous sommes capables d’accepter notre mort, jamais nous ne supporterons le poids de la tienne sur nos épaules. Car aussi immortelles que soient nos enveloppes, nos âmes, elles, seront brisées à jamais. »
Un nouveau soupir, des yeux rouges se faisant cruels et un sourire faux qui naquit sur ses lèvres. D’un geste plus assuré, la jeune femme parvint à se remettre debout, fixant le Dragon avec défi. Pieds nus dans la neige, elle ne tremblait plus en apparence mais sentait son cœur se déliter sous les mots qu’elle prononça. Tenir bon, encore un peu. Elle tenta, et même parvint à faire bonne figure tout en faisant quelques gestes théâtraux.
« Hahaha, quel discours ! Vois-tu, nous sommes de êtres abominables, terriblement égoïstes mais néanmoins quelles comédiennes de talent ! Tu y as cru n'est ce pas ? Mais il est à présent temps de laisser tomber le rideau ! Tu as toi aussi été parfait, rassure toi.
Nous avons fait miroiter devant tes yeux la possibilité d’un salut à nos côtés, d’un nouveau départ. Mais c’était nous qui souhaitions une nouvelle chance, la chance de torturer bien davantage ton esprit ! Et quel délice ! Quelqu’un qui saurait nous emmener loin d'ici et nous aimer pour ce que nous sommes, sans passé, ni avenir... Il y a bien longtemps que nous avons laissé cette idée mourir ! Mais cette approche de naïve petite Ethérée si douce et si aimante fonctionne toujours à merveille !
Nous nous sommes servies de tes faiblesses pour mieux t’approcher et te faire souffrir... Vois comme les enfants des Etoiles peuvent être hypocrites et cruels lorsqu'ils sont corrompus. Grâce à nous tu as appris à être plus lucide sur ce monde... Tu ne pourras jamais La remplacer... Et nous refusons d'être un gentil et docile substitut...
Néanmoins merci d'avoir occupé un peu de notre temps, c'était très divertissant ! »
Il y avait certaines touches de vrai dans ses paroles mais beaucoup de ses mots étaient vide de sens, à mille lieux de ce qu’elles pensaient réellement. Cependant, là où échouait la raison, peut être que la colère fonctionnerait. Certes il les haïrait, détesterait jusqu’à leur existence et l’espoir qu’elles avaient fait naitre mais au moins il vivrait.
L’Ethérée se retourna donc, offrant son dos à son sauveur, le cœur au bord des lèvres. Shäara souffrait, hurlait, suppliait, mais Yaphel tint bon et fit un premier pas. Le second fut plus douloureux encore mais sa sœur abandonna tout contrôle, acceptant ce choix avec fatalité. Sa vie contre sa colère, sa haine et son mépris, voilà qui était finalement bien peu.
Et quand bien même l'envoyé des cieux briserait leurs os dans un excès de colère, c'était une finalité qu'elles acceptaient. Elles étaient responsables de cette situation, il leur fallait en assumer les conséquences.
Zëma'Khaal Ronge-Monde
Messages : 61 Date d'inscription : 21/01/2015Royaume : Aucun
Sujet: Re: Le Chant des Glaces Mar 26 Jan - 20:41
Le dragon laissa l'étoile se relever, immobile, écoutant en silence ses paroles aux tons mornes et gris. Pourquoi semblait-elle si triste ? Zëma'Khaal, lui, ne voyait pas où se situait le problème. Il n'était pas habitué à traiter de ce genre de choses. Pour lui, la jeune femme se posait bien trop de questions. Mais il ne vit pas la suite arriver, et mit un moment à assimiler les implications de ce que la voix féminine lui disait.
" Hahaha, quel discours ! Vois-tu, nous sommes de êtres abominables, terriblement égoïstes mais néanmoins quelles comédiennes de talent ! Tu y as cru n'est ce pas ? Mais il est à présent temps de laisser tomber le rideau ! Tu as toi aussi été parfait, rassure toi.
Nous avons fait miroiter devant tes yeux la possibilité d’un salut à nos côtés, d’un nouveau départ. Mais c’était nous qui souhaitions une nouvelle chance, la chance de torturer bien davantage ton esprit ! Et quel délice ! "
Manipulé ? Lui ?
Non, il n'en croyait pas un traître mot. Et pour cause : qu'y aurait-elle gagné ? La saveur d'un plaisir fugace trahi pour mieux se rire de l'intéressé ? Il ne s'était guère passé de folles choses entre eux, sinon un trop court voyage aux frontières du firmament. Alors, pourquoi avait-il cette désagréable sensation d'être face à un être faux ? Était-ce le fait qu'elles soient deux en un même corps ? Yaphel et Shäara pouvaient-elles renfermer un autre secret, plus perfide, plus insidieux. Une entourloupe qui lui était destinée... L'éthérée s'avérait-elle être un piège divin ? L'une de ces supercheries des dieux lâches et pleutres ? Le noir se prit à le croire.
Une lueur mauvaise passa dans ses yeux jaunes. De rondes et noires, ses pupilles ne furent plus que deux traits étroits et flamboyants, glacée de courroux.
Le ton, condescendant, hautain, lui déplut plus qu'il n'aurait pu l'imaginer. Lui, charmé par Shäara, le voilà hérissé par Yaphel, et certainement était-ce tout ce que l'étoile noire désirait avec cette démonstration grossière de mépris. Mais il était colère, fureur et vengeance, l'oblitération et la rage, le chaos et le déchaînement primaire des éléments. Que pouvait alors sa raison, même si sage, face à sa nature, pleine et entière ? Rien.
L'éthérée lui avait tourné le dos et ses pas s'éloignaient en crissant dans la neige. Elle s'en allait.
Un éclair, sortit de nulle part, zébra le ciel en un claquement effroyable. Seul prémice à la tempête qui se levait soudain dans la nuque de l'étoile.
Malgré toute la bizarrerie de cette situation, la raison du Ronge-Monde ne parvenait plus à endiguer le roulis furieux de son ire colossale. Elle grimpait, galopait, s'insinuait dans ses veines comme le magma remonte des tréfonds de la terre, et déjà, la silhouette gracile de la créature dont il avait pris les traits oscillait, la magie déformant la réalité tout autour. De quel droit lui tournait-elle le dos ? Il voulait qu'elle reste. Elle s'imaginait avoir le choix ? Folle qu'elle était. Il ne la laisserait plus partir. Plus maintenant. Elle avait commis l'erreur de le mettre hors de lui, puisse-t-elle avoir l'éternité pour s'en repentir...
" YAPHEL ! "
Là où s'était tenu le noir, agenouillé dans la neige, une créature difforme était campée sur ses membres griffus, grossissant à vue d’œil pour atteindre trois fois la taille d'un homme en l'espace d'une respiration. Sous l'effet de la colère, le Fléau n'avait pu maintenir la magie qui retenait son être confiné dans un corps rétréci, mais n'avait pas non plus libéré toute son essence au travers de la trame invisible. Ses membres tremblaient, tant sous l'effet de l'énergie libérée qui faisait miroiter l'air, que de son aigreur qui lui chauffait le sang.
Coincé dans cette forme bâtarde, ni homme ni tout à fait lui-même, le dragon se ramassa sur ses pattes arrières et bondit sur l'éthérée, toutes griffes dehors.
" Tu ne vas nulle part. "
Plus glaciale que l'hiver autour, la voix déformée du dragon résonna tel le glas d'une sentence implacable. Deux serres à cinq doigts se refermèrent sur les épaules de la jeune femme. Un museau pointu, aux babines retroussées sur une rangées de poignards d'ivoires s'avança contre le visage de l'imprudente. Dans le vent soulevé par sa rage, la neige s'était remise à tomber.
Shäara Etoile noire des Lumières
Messages : 440 Date d'inscription : 21/05/2014Royaume : Silraen
Sujet: Re: Le Chant des Glaces Mer 27 Jan - 8:38
A l’appel de son nom, Yaphel s’était retournée. La métamorphose avait eu lieu, la colère endiguant la raison dans toute sa passion destructrice. Il ne restait presque rien de l’être humanoïde qui les avait tenues dans ses bras. Ce n’était plus qu’une forme corrompue par la noirceur de la haine. Ses veines suintaient de folie meurtrière. Il appelait le sang !
D’un geste vif, la créature fondit sur l’Ethérée. Encore fatiguée par sa chute du haut des Etoiles, Yaphel manqua de vitesse et ne parvint à éviter le fléau de feu qui fondait sur elle. Des griffes acérées virent sur poser sur ses épaules, tel un étau la privant de toute liberté.
" Tu ne vas nulle part. "
Shäara, mortifiée par la situation, ne disait mot. Elle ne parvenait pas à reprendre le contrôle de sa sœur et, à dire vrai, ne le désirait pas. Elles avaient provoqué cette situation dans l’unique but de sauver le dompteur des vents. Hors seule Yaphel serait assez forte pour jouer davantage cette comédie. Et surtout endurer la douleur sans aucune supplication…
D’un geste vif, l’Ethérée se baissa et bondit quelques pas en arrière. Un flot de sang jaillit alors de ses épaules lacérées, ajoutant une touche vermeille au blanc presque fantomatique de sa peau. Les griffes du Dragon étaient décidément bien acérées mais malgré la douleur, Yaphel… souriait.
Shäara, du fond de sa cellule mentale, frissonna. Sa sœur répondait à la violence comme lors de son affrontement contre Nékèpech. Elle vibrait au son de la folie et de la haine. Ce sang, cette douleur, elle se laissait elle aussi emporter dans les bras de la noirceur !
A cet instant, les cheveux de l’Ethérée devinrent une pluie d’encre dépourvue d’étoiles. Son cœur, ampli du fiel des mondes, se mit à rejeter dans ses veines un sang corrompu. Cheminant dans son corps, ce liquide mortel teinta sa peau de milles nuances de noir absolu. Plus de blanc, plus d’éclat, sa tenue elle aussi emprunta sa couleur à l’oubli et devint noire. Quant au petit instrument suspendu à son poignet, il devint violon, prêt à frapper.
« Très bien, j’accepte de rester, mais uniquement parce que cette situation devient intéressante… »
Un nouveau sourire, froid comme la glace avant de se mettre en position de combat. Comédienne, elle l’était jusqu’à présent mais Yaphel avait cédé à ses origines destructrices. Shäara tenta un dernier assaut contre son esprit, désirant mettre un terme à une situation qui échappait à tout contrôle. Malheureusement, si faible et si peu liée à ce corps transformé, elle ne put que demeurer spectatrice.
Yaphel redressa son violon et le posa contre son cou. Elle le caressa du bout des doigts, heureuse de retrouver cet ami. Mais alors que les premières notes de mort sortaient de l’instrument, le temps sembla se figer. Les flocons de neige autour d’eux suspendirent leur course et la tempête qui aurait dû fondre sur eux ne vint pas.
Quelque chose apparut alors entre les deux combattants, impalpable, intangible et pourtant d’un éclat sans pareil.
« Hé bien mes enfants, ce n’est pas ainsi que je voyais votre avenir… »
A ces mots, le cœur de Shäara bondit dans sa poitrine. Même Yaphel ne sut rester insensible au timbre de cette voix, consciente que celui-ci chatouillait la mémoire de sa sœur.
Néanmoins, elle secoua la tête comme pour se libérer de cette illusion et se mit de nouveau en garde, prête à en découdre. Mais l’être décida qu’il en serait autrement et traversa l’Ethérée de part en part. Sous son action, le corps de Yaphel se transforma une nouvelle fois, lui rendant sa peau de porcelaine et ses cheveux roux. L’instrument de mort compris également cette demande et reprit la forme d’une simple harpe tout à fait inoffensive. Mais cette lumière n’en resta pas là et entra également dans le corps du Dragon. Ce contact n’était pas déplaisant, juste chaud et réconfortant. Les traits du puissant devraient fondre sous ce geste et retrouver un aspect plus… humain. Mais ne regardant pas davantage le résultat, le voile étoilé sur tourna vers l’Ethérée.
« Mes enfants, si vous saviez à quel point vous m’avez manqué. »
Shäara, de nouveau maitre à bord, sentit son cœur s’emballer sous l’émotion.
« Grand ’Ma, c’est bien toi ? »
Mais l’esprit ne prit pas la peine de répondre, conscient que son enfant l’avait reconnu malgré sa forme actuelle.
« Shäara, je t’en prie, écoute-moi bien. L’être en face de toi n’a peut-être pas une pleine conscience des tourments qui te déchirent mais je peux t’assurer que vos routes sont liées. Crois-tu que je t’ai élevée dans le seul but de vivre ta vie loin de tous ? Non, ne dis mot et entends-moi. Je sais que tu refuses que la menace qui plane sur tes épaules, plane aussi sur les siennes mais c’est ainsi. L’avenir n’est jamais blanc ou noir, seulement une harmonie de gris mon enfant. Et ce fils des vents se doit d’être à tes côtés, ais confiance en mon jugement. »
L’Ethérée était sidérée par ce qu’elle venait d’entendre. Grand ‘Ma, sa Grand ‘Ma apparaissait devant elle alors que son corps reposait sous terre et lui demandait de rester auprès du Dragon. Folie, manipulation, elle devenait folle ! L’Etoile sentit cette agitation dans son esprit et s’approcha de la jeune femme pour effleurer sa peau. La douceur, une fois encore la chaleur, mais surtout le sentiment d’être de retour chez soi. C’était bien elle, aucun doute n’était possible. Mais comment, et pourquoi aujourd’hui…
« Ma fille, ce n’est pas parce que j’ai décidé qu’il était temps de quitter la terre des hommes que j’ai cessé de veiller sur toi. Même lorsque Nékèpech le cruel t’a apposé son sceau j’étais là. Mais qu’aurait pu faire une simple immortelle face à un dieu. »
L’étoile s’approcha bien plus encore et murmura à l’Ethérée.
« Mais aujourd’hui je ne peux te laisser continuer, vois dans quel état tu es… Je refuse de voir ton corps broyé et ton esprit se perdre. Accepte simplement sa présence et ais confiance. Vous saurez veiller l’un sur l’autre, comme tu le désirais lorsque tu l’as laissé venir à toi… »
Grand’ Ma recula et vint se mouvoir devant les yeux de l’esprit des vents. Elle désirait également lui parler.
« Mon enfant, tu ignores tout de moi et pourtant j’ai effleuré ta vie bien plus d’une fois. De la haut, nous pouvons veiller sur ces mondes et je savais qu’un jour tu croiserais ma fille. Je comprends ta colère vis à vis d'elle mais sache qu'il ne s'agit pas d'un piège. Ton premier geste était le bon, veiller sur elle et permettre sa survie. Si elle a fait appel à de pareils sentiments, c'était uniquement dans le but de t'éloigner. Ta haine contre ta survie...
J'espère de tout cœur que tu comprendras et accepteras de demeurer près d'elle. Vous êtes deux enfants de la création nés pour vivre côte à côte. Mais néanmoins n'oublie pas une chose, jamais elle ne saura être l’Etoile que tu as perdue. Si tu décides de suivre sa route, fais le pour ce qu’elle est et uniquement dans ce cas. »
L’Etoile poussa un léger soupir et commença à s’estomper. Maintenir cette forme était visiblement bien difficile et le charme menaçait à présent de se rompre. Dans un dernier sursaut de magie, elle saisit la main des deux êtres et les approcha l’un de l’autre.
« Je ne serai jamais loin de vous mes enfants, soyez en sûr. Vos yeux ne pourront pas me voir mais votre cœur saura que je veille sur vous à chaque instant. A présent, entendez mon dernier souhait et s’il vous plait, respectez-le. Veillez l’un sur l’autre. »
Sur ces derniers mots, le voile d’harmonie et d’amour s’estompa, tel l’éclat d’une Etoile emporté par le lever du soleil. Shäara ne savait que dire ou faire, encore touchée par cette apparition. La femme qui l’avait élevée, celle qui l’avait protégée, toujours à ses côtés. Son amour lui avait donc permis de demeurer en ces terres, de demeurer près d’elle… Il n’y avait de mots pour décrire les bulles de sentiments forts qui éclataient dans sa poitrine. Ses yeux ne savaient plus que voir et ne cherchaient qu’à saisir encore un peu ce miracle.
Si l’esprit des vents fondait sur elle à cet instant, il n’aurait fait qu’une bouchée d’elle. Telle une poupée inerte, elle se serait laissé emporter et détruire sans un geste. Son esprit semblait s’être envolé avec Elle, de même que ses forces vitales. A moins que les plaies striant ses épaules et continuant de saigner abondamment ne furent les seules fautives.
Zëma'Khaal Ronge-Monde
Messages : 61 Date d'inscription : 21/01/2015Royaume : Aucun
Sujet: Re: Le Chant des Glaces Sam 30 Jan - 12:57
En étaient-ils parvenus au point de non-retour ? Les dieux, encore une fois, avait-il réussi à lui arracher ce à quoi il tenait ? Rarement, sa colère ne s'était conjuguée à la tristesse, mais cette fois, il lui semblât
« Très bien, j’accepte de rester, mais uniquement parce que cette situation devient intéressante… »
Un rictus carnassier orna ses babines reptiliennes aux commissures déformées. Cette provocation résonnait en lui, l'incitait dangereusement, comme Lorsqu'elle se dégagea, il ne chercha pas à la retenir, curieux de voir ce qu'elle allait lui opposer. Un instrument. Ses iris se figèrent sur la forme gracile et sombre de l'archer. Il sentait la magie néfaste qui l'imprégnait comme d'autres auraient senti l'odeur du soufre qui émanait de son museau. Une lueur sanglante apparut au fond de sa gorge noire. Mais tandis que le temps se figeait autour d'eux, le feu meurtrier n'eut pas le temps de remonter de ses entrailles. Quelque chose de singulier venait à eux. Quelque chose de suffisament attirant et pour le détourner un instant de son meurtrier dessein.
« Hé bien mes enfants, ce n’est pas ainsi que je voyais votre avenir… »
Campé dans la neige, les griffes suintant le sang qui s'y diffusait en larges taches pourpres, Zëma'Khaal exhala un nuage de cendre lourd de sens. Ses yeux allaient de la lumière à l'éthérée, de l'éthérée à la lumière. Une lumière qui ressemblait à...
Serait-ce ?
Mais une fois de plus, il fut déçu. Non, ce n'était pas elle.
« Grand ’Ma, c’est bien toi ? »
Zëma'Khaal grogna, son museau se fronçant en une grimace évocatrice. "Gran'Ma ?" Que devait-il en déduire ? Il assista, surpris et dubitatif, à l'échange entre les deux étoiles. Il ne remarqua pas vraiment que la lueur l'avait apaisé. Ses muscles s'étaient détendus et son aura noire n'était plus qu'un léger nuage sombre. Il réfléchissait, chose dont il aurait été incapable quelques secondes plus tôt.
« Mon enfant, tu ignores tout de moi et pourtant j’ai effleuré ta vie bien plus d’une fois. De la haut, nous pouvons veiller sur ces mondes et je savais qu’un jour tu croiserais ma fille. Je comprends ta colère vis à vis d'elle mais sache qu'il ne s'agit pas d'un piège. Ton premier geste était le bon, veiller sur elle et permettre sa survie. Si elle a fait appel à de pareils sentiments, c'était uniquement dans le but de t'éloigner. Ta haine contre ta survie...
J'espère de tout cœur que tu comprendras et accepteras de demeurer près d'elle. Vous êtes deux enfants de la création nés pour vivre côte à côte. Mais néanmoins n'oublie pas une chose, jamais elle ne saura être l’Etoile que tu as perdue. Si tu décides de suivre sa route, fais le pour ce qu’elle est et uniquement dans ce cas.»
La voix chaude de la vieille étoile résonnait agréablement à ses oreilles, et il entendait ses paroles. Mais, quelque part dans un recoin de son être, une autre lui susurrait, désincarnée et étrangère. Une sensation qui lui était inconnue, lui qui était toujours demeuré seul en son propre esprit. Qui ? Qui était donc parvenu à entrer là où même les dieux n'avaient jamais mis les pieds ? Un doute, nouveau, terrible, s'empara de lui.
* Elle ment. Elle ne sait rien... Elle ne sait rien de toi, fils. L'étoile est morte, elle n'existe que dans ses souvenirs... ELLE MENT.*
Pour le noir, cette découverte fut aussi stupéfiante qu'inquiétante. L'hésitation se lut un instant, fugace, dans ses prunelles. Face à l'étoile, il ne savait plus. Le dragon, pourtant si inflexible et si sûr, doutait. La dite Gran'Ma en eut-elle conscience ? toujours était-il qu'elle lui avait tendu de nouveau la main, là où Yaphel lui avait tourné le dos. Un vrombissement, puissant et sourd, fit frémir ses narines obliques.
« Je ne serai jamais loin de vous mes enfants, soyez en sûr. Vos yeux ne pourront pas me voir mais votre cœur saura que je veille sur vous à chaque instant. A présent, entendez mon dernier souhait et s’il vous plait, respectez-le. Veillez l’un sur l’autre. »
Et la lueur bienfaitrice s'évanouit de nouveau, les laissant seuls, fac à face. Le regard érubescent du dragon se posa sur l'éthérée, dont la chevelure avait retrouvé l'éclat lunaire qu'il lui avait connu. Sans un mot, la créature hybride se détourna, obliquant vers les étendues vides. Après quelques pas, elle se redressa, puis se mit à se dissiper dans l'air telle une brume opaque. L'air frémit, s'embrasa soudain sans cause apparente, et au milieu de la plaine réapparut le titan d'écaille que Shäara avait vu se poser bien des heures plus tôt sur les plaines gelées. Son énorme tête se dressa vers les cieux et y huma la bise avec intérêt.
" Le Tolväar. Il est ici. Je le sens. Les vents charrient ce parfum de douleur et de mort que lui seul peut porter. Je maintiens ma position : tu ne te débarrasseras pas de moi. Si tu veux affronter le Cruel, tu le feras. Avec moi. "
Et en son âme, Zëma'Khaal sentit encore ce murmure glacé, étrange.
* Tu fais une erreur. ERREUR.*
Avec un sifflement agacé, le noir tonna en sa propre tête :
* Qui que tu sois, je te conseille de me laisser en paix ! Ici, je suis seul maître ! *
Et il présenta sa patte de la taille d'un flanc de colline à la petite éthérée.
" Allez, monte. Il est temps de faire tourner la Grande Roue. "
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Hrp : Fin pour moi ! o/ Merci pour le code [blur], je le connaissais pas. ♥