Etoile noire des Lumières

HISTOIRE  


« Je sens une lumière. Assemblage de magie et d’argent, je sens une lumière. Pas de vie, pas de couleur, l’obscurité mordante et grandissante, mais je sens une lumière.

Une lumière naitre, une lumière se créer, couler ardente dans mes veines.
Je sens la vie, la félicité, une onde de douceur se noyer dans l’espace et tourbillonner. Je vois... Enfin, est ce réellement voir...

Et qu’est ce que toutes ses pensées qui s’amarrent à moi, entrent dans ma tête et fleurissent ? Est-ce ça, naitre ?

Oui, ça y en, enfin, je vois ! Cette lumière, éclatante, qui me tend les bras ! Attends-moi, j’arrive ! Non, ne recule pas, je sens ton appel, je me sens fille dans tes éclats, attends-moi ! Emporte-moi dans ton halo brulant !

Oui, enfin mère, crée moi, façonne moi...  Etoiles perdues dans l’immensité du temps, accorde-moi la vie... Laisse-moi croitre en ton nom et découvrir le monde... Pas encore prête... Attendre... Sevrée de magie et de lumière, encore...

Mère, j’ai peur ! Je sens une ombre, une ombre qui guette, qui épie, qui menace ! La Lumière, non, pas la Lumière ! Je ne sens plus, je ne crois plus, je me sens happée par ces Ténèbres ! Engloutie le temps d’un naufrage et recrachée hors des douceurs célestes...

Ouvrir les yeux, réellement, et sentir du marbre sous ses doigts. Est-ce ça, naitre ? Mais où suis-je, quel est ce monde de félicité et de paix ? Oui, je sais, Ydrasil, ma demeure terrestre, ma Terre d’adoption.

Et vous qui me regardez, êtes vous mes frères ? Corps d’étoiles et de lumière, il ne peut en être autrement. Mais pourquoi reculez-vous ? Ne suis-je pas comme vous ? Mes yeux ? Se sont mes yeux ? Mais leur couleur ne fait que refléter celle du soleil, plus ardente et plus vraie. Pourquoi parlez-vous de Ténèbres ? Je suis pourtant votre sœur !

Non, ne partez pas ! Je suis comme vous, attendez ! »
De nouveau l’obscurité... Je sens des mains contre ma peau, amis, ennemis ? Je ne suis qu’un fardeau entravé, menotté, et finalement abandonné...
Peur, froid, je me sens mourir de solitude... »

...
« Et bien Grand’Ma, quel aurait été mon destin à cet instant si tu n’étais pas intervenue. Si toi, noble et respectée Ethérée, ne t’étais pas interposée ! Ils m’auraient jetée au Tolväar, comme une impure. Mais toi tu as su voir au-delà de mon apparence, tu as su comprendre que la lumière pouvait naitre au milieu des ténèbres et tu m’as tendue tes bras, offert ton cœur... »

Une brise répondit à ses paroles, faisant voleter les boucles brunes de la jeune femme. D’un geste souple, elle souleva légèrement sa robe et s’assit en tailleur à même le sol.

«C’est à cet instant que ma vie commença, réellement. Je n’étais qu’une enfant, peut être pas physiquement mais bien mentalement. Bien qu’un certain savoir ait coulé dans mes veines, beaucoup de choses m’étaient inconnues. Et toi tu as pris le temps de me conter tous tes souvenirs, de m’enseigner ton monde, ses usages et ses magies. Tu m’as appris à l’aimer comme toi tu l’aimais, à le comprendre, le vivre. Silraen...»

D’un geste tendre, la jeune femme saisit entre ses doigts une fleur et la porta à ses lèvres. Ses yeux rouges, légèrement embués par l’émotion, regardaient à présent les étoiles. Bien que la nuit fût fraiche, l’Ethérée était faiblement vêtue et laissait la brise courir sur sa peau.

« Grâce à toi j’ai pu grandir, sereinement, loin de tout conflit, toute haine... Tu m’as enseigné l’art de soigner les blessures et de comprendre les Hommes. Et te souviens-tu de ce jour où tu m’as montrée ce qu’était le spectacle, la danse, la musique ? J’étais tellement fascinée par ce que mes yeux me montraient, mes oreilles sentaient, qu’il avait fallut que tu me ramènes de force à la maison... Après, je n’avais cessé de chanter à tout va, ce qui avait parfois le don de t’exaspérer ! »

Riant, seule dans l’obscurité face à ce souvenir, la jeune femme ne put retenir un éclat de voix bien plus haut que les autres. Mais seul le vent répondit à cet appel à la joie, farouche et déterminé, emportant quelques feuilles mortes sur son passage.

« Mon seul regret est de ne pas avoir pu connaitre mes semblables... Mais comme tu me l’as si souvent dis, seul notre exil nous a sauvées... Enfin, m’a sauvée. Car tu n’étais que de passage sur ce monde, bien que Silraen ait été ta terre de cœur. Tu aurais pu retourner à Ydrasil et vivre pleinement. Mais tu savais que je serai condamnée, reniée par nos frères. Tu aurais du constamment me cacher loin de leurs regards... Or pour me permettre de vivre à la lumière du jour, tu as décidé de rester ici, avec moi... Je n’aurai jamais les mots justes pour te remercier Grand’Ma... »

Une larme coula sur la joue de la jeune femme tandis qu’elle se relevait. Elle s’approcha alors d’un pas lourd, plein de détresse, d’une petite croix de bois plantée fièrement dans le sol.

« Grand’Ma, pourquoi es-tu partie... Je ne me sens pas encore prête, qu’est ce qu’une centaine d’année devant les siècles qui t’ont portée ?... Je sais qu’il était temps pour toi de partir. Que tu désirais un véritable repos... Avec notre nature d’immortel, je doute encore parfois que tu sois réellement partie... Et pourtant, il faut croire que la volonté de disparaitre peut parfois suffire. Pardonnes moi, ce n’est pas disparaitre mais voyager vers d’autres horizons comme tu disais si bien...

Et bien je crois qu’il est à présent temps que je fasse de même malgré les doutes qui m’étreignent. Je vais m’ouvrir au monde et tenter d’apporter un peu de Lumière sur ces vies et ces terres. Et peut être qu’ainsi mes frères verront que je ne suis pas si différente d’eux...

Encore merci de m’avoir portée dans ce monde. Je n’oublierai jamais ta Lumière Grand’Ma... Adieu. »



  

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